Jean Cocteau, tatoueur de murs
© Photo by Catherine BIBOLLET/Gamma-Rapho via Getty Images1/6Est-il encore vraiment nécessaire de présenter Jean Cocteau (1889-1963) ? Sa silhouette frêle, son allure d'éternel jeune homme et sa voix haut perchée demeurent à jamais présentes dans la mémoire collective, alors que près de soixante ans se sont écoulés depuis sa mort. Poète de l’étrange, cinéaste surréaliste, mondain de haute vol, dramaturge enflammé, lanceur de modes, l'artiste aura multiplié les expériences. Son incroyable aisance graphique, ses croquis au trait sans fin, d’une ligne continue virevoltante, inspirent encore moult talents de Roberto Ruspoli à Vincent Darré. Encre de chine noir, pastel gras, peu de couleurs ou par touches estompées… plus qu’un peintre Jean Cocteau se révèle avant tout un formidable dessinateur.
© Photo by Michel MAKO/Gamma-Rapho via Getty Images2/6Si ses premières esquisses des années 1900 relèvent de la caricature, son trait se fera par la suite cubiste, avant de trouver une fantaisie néoclassique dans les années 1930 qui marquera son style. Sur la fin de sa fin, s'ennuyant ferme à sa table de travail, il troque la feuille blanche pour des murs tout aussi immaculés. Ses premières tentatives en 1952 dans le cadre de la Villa Tamaris à la Seyne-sur-Mer ne resteront pas dans les annales, le propriétaire ayant eu l’idée saugrenue de repeindre après son passage… Les fresques de la Villa Santo Sospir sont par contre devenues culte. Au printemps 1954, Jean Cocteau est invité par son amie Francine Weisweiller, épouse de l’un des héritiers de la société Shell, à venir passer une semaine de vacances dans leur demeure à la pointe de Saint-Jean-Cap Ferrat.
© Photo by Archive Photos/Getty Images3/6L’artiste commence par dessiner au fusain un apollon au-dessus de la cheminée du salon, puis, encouragé par Matisse, il entreprend de décorer – tatouer, aimait-il à dire –, l'ensemble de la maison. Sans ébauche préalable, il se lance dans des fresques a tempera – technique de pigments mélangés à du lait –, évoquant les thèmes de la mythologie grecque tout autant que le folklore méditerranéen avec moult figures de pêcheurs, d’étoiles de mer et d’oursins. Cette jolie demeure au mobilier signée Madeleine Castaing aujourd’hui en travaux devrait rouvrir ses portes à la visite en septembre prochain.
© Photo by Evans/Three Lions/Getty Images4/6En 1955, la municipalité de Menton souhaite réaménager son hôtel de ville et notamment transformer ses anciennes salles de tribunaux en salle des mariages. Le maire de l’époque, Jean Palermo, invite Jean Cocteau à s’emparer du projet. S’inspirant des volutes des boucliers, tambours et masques africains, ce dernier trace un portrait d’amoureux flamboyant dans le foyer. La belle est coiffée de la capeline mentonnaise et son tendre d’un bonnet de pêcheur méditerranéen. L’artiste choisit aussi mobilier et tapis, dessine des luminaires au pied en fer forgé… Plus que les clients privés, plus que les corps d’État, l’Église sera la grande commanditaire de fresques auprès du trublion des arts.
© Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images5/6En 1957, il s'attaque à la chapelle Saint-Pierre de Villefranche-sur-Mer, ornant les murs de la nef d’épisodes de la vie du Christ et de saint Pierre, dotant de géométries décoratives la coupe des arches. À Londres, pour l’église Notre Dame de France, il opte pour une scène de crucifixion. À Fréjus, à la Chapelle Notre-Dame-de-Jérusalem, ce sera un monde naïf et coloré de saints. De la chapelle de Saint-Blaise-des-Simples, à Milly-La-Forêt, il fera sa dernière demeure. De 1945 à sa mort en 1963, Jean Cocteau vécut à Milly dans une maison refuge, achetée avec Jean Marais.
© Photo by Keystone-France/Gamma-Keystone via Getty Images6/6Lors de la restauration de la chapelle, les édiles de la ville commandent au poète un nouveau décor ; des fresques murales représentant la résurrection du Christ ainsi que des vitraux ornés de plantes médicinales traditionnellement cultivées par les moines – la chapelle étant le dernier vestiges d’une maladrerie du XVIIIe siècle. À son décès, Jean Cocteau fut inhumé en ce lieu saint. L’œuvre est classée monument historique, sa beauté est saisissante.
