Une maison d’architectes dans la forêt pyrénéenne
Lorsque le propriétaire des lieux, originaire du Sud-Ouest et passionné d’architecture et de design, décide dans les années 1970 de faire construire sa maison, il se tourne vers un architecte de la région: Edmond Lay. Ce n’est pas un hasard: à l’époque, ils sont tous deux amis avec l’antiquaire Yves Gastou, alors installé à Toulouse, qui les accompagne dans ses découvertes d’artistes et designers du XXe siècle et, en bon précurseur et dénicheur de talents, les conseille judicieusement.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche1/11Les lignes droites et le dessin horizontal de la maison jouent le contraste avec la profusion de la nature.
Edmond Lay est un nom certes connu des Bordelais (c’est à lui que l’on doit notamment l’ancien siège social de la Caisse d’épargne à Mériadec, classé Monument historique) et des initiés, mais peu connu du grand public. Pourtant, cette figure de l’architecture dite organique mérite qu’on s’y penche. Né dans les Pyrénées, il fait ses études aux Beaux-Arts de Paris après la Seconde Guerre mondiale avant d’entreprendre un voyage formateur en Afrique du Nord puis aux États-Unis. Il y rencontre son modèle, Frank Lloyd Wright, quelques mois avant le décès de ce dernier, et décide de visiter toutes ses réalisations. Il rentre en 1959 passer son diplôme et repart enseigner à l’université de Cornell. Sollicité par Harvard, il préfère retourner en France fonder sa propre agence en 1962 non loin de Tarbes, son pays natal. Grand prix national de l’architecture en 1984, il avait gagné les deux concours internationaux pour la construction de nouvelles ambassades de France à Abu Dhabi et au Koweït mais la guerre du Golfe en empêchera la réalisation.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche2/11La salle à manger, entre bois et pierre. Ici, le brutalisme est de mise avec le mobilier signé Dominique Zimbacca.
La pierre, le bois, l’ardoise et la lumière
Ici, ce projet de maison illustre bien sa philosophie : l’immersion totale de la construction dans le site, le dialogue entre l’extérieur et l’intérieur, la fluidité de la circulation. À l’opposé de la dictature du mouvement moderniste d’un Rietveld ou d’un Le Corbusier, il a le souci du rapport à la nature, à l’environnement, l’exigence de l’horizontalité. Avant tout, en l’occurrence, il demande à voir le terrain avant d’accepter le chantier. Ensuite, il exige que l’aménagement intérieur soit confié à Dominique Zimbacca, un autre architecte et designer français de la même génération. Tous deux sont des adeptes des matières naturelles.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche3/11Basse et discrète, malgré ses francs partis pris architecturaux, la maison se fond dans la nature. Sur la terrasse, un totem de Jean Touret.
Edmond Lay veille lui-même au montage des pierres de Bidache. La maison s’accroche au dénivelé du terrain, elle en épouse la forme. Le toit est en partie en cuivre pour prendre, avec le temps, le ton vert des feuilles. Le bois est omniprésent. Les poutres rythment les plafonds et les baies vitrées horizontales. Jeu de strates, de puits de lumière ou de meurtrières. La maison est bien dans la lignée de celles de Frank Lloyd Wright tendance « Prairie » : forte horizontalité (d’où leur nom), constructions basses, élimination des cloisons inutiles, aires ouvertes, pivot central avec une cheminée massive, larges toitures qui se prolongent au-delà des murs, bandeaux de fenêtres.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche4/11Fortement architecturé, l’intérieur, ici un coin du living, s’achève comme une imbrication de lignes et de volumes très rythmée. Les murs en grosses pierres peuvent servir d’étagères. Au premier plan, une table basse de Pierre Sabatier, derrière, une lampe d’Isamu Noguchi.
Le mobilier de Dominique Zimbacca, réalisé toujours à la main, est géométrique, puissant, épuré: on peut parler d’un travail de charpente tout de tenons et de mortaises qui semble faire partie intégrante de l’architecture. S’il a été complété par les pièces du sculpteur Jean Touret et la table et les chaises de Carlo Mollino, acquises par les maîtres de maison chez leur ami de longue date, l’antiquaire Yves Gastou, l’ensemble ne forme pas moins un exemple exceptionnellement cohérent d’une architecture en prise directe avec une nature brute où elle puise ses racines et sa puissance.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche5/11Sous l'impressionnante charpente, des assises scandinaves des années 1960 entourent la table San Andrea de Pierre Sabatier. Le tableau est du peintre américain Peter Foldes. Lampe en pépite de pyrite (Galerie Yves Gastou).
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche6/11Le coin cheminée avec son immense canapé modulable en blocs habillés de cuir tabac, œuvre de Dominique Zimbacca, tout comme la table basse. La sculpture en bois, à gauche, est de Jean Touret, le tableau en fil de crin et skaï noir, de Pek Blenda, et la lampe à droite d’Harry Balmer (les trois, Galerie Yves Gastou).
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche7/11Près de l'entrée, une sculpture en chêne noirci de Jacky de Maeyer datant des années 1960 (Galerie Yves Gastou).
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche8/11L'alcôve chaleureuse de la chambre des propriétaires. Au mur, deux panneaux en cuivre martelé signés Jean Touret. Le lit est une création en marqueterie de bois et cuir de Tobia Scarpa. Linge de lit (Bertozzi-Cleo C).
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche9/11L'escalier dessert la bibliothèque et les chambres. La chaise est de Dominique Zimbacca.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche10/11Le bois en all over pour cette entrée de salle de bains, avec, un buffet de Jean Touret sur lequel est posée une lampe en Inox des années 1970 (Galerie Yves Gastou). Le lavabo a été dessiné par Dominique Zimbacca. Au fond, la baignoire en pierre de Bidache.
Réalisation Thibaut Mathieu © Romain Courtemanche11/11La chambre d'amis, avec une photographie de Laurent Laporte en guise de tête de lit. Lampe en céramique d’Accolay (Galerie Yves Gastou). Dessus de lit et cousin (Bertozzi-Cleo C).
